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Max Dauchet


En traitant des maladies, en atténuant des déficiences, la médecine a longtemps obéi à une idée qu’elle se faisait de l’homme sans prendre conscience d’une possible influence irréversible sur son avenir. De même pour la sélection des plantes et des animaux, l’extraction d’énergies et le rejet de déchets. Maintenant, ces sujets sont en débat et des comités d’éthique s’y consacrent. Ces secteurs scientifiques ont en commun d’être potentiellement intrusifs pour l’homme au niveau biomoléculaire et posent donc matériellement la question de l’influence sur l’évolution de celui-ci. Le numérique se démarque sur ce dernier point, parce qu’il traite de l’immatériel - mises à part les nanotechnologies et la robotique, qui sont entre les deux. L’enjeu est de comprendre que l’immatériel, qui comprend le traitement numérique tout comme il comprend les sphères des croyances, des valeurs, des cultures et de la politique façonne l’avenir tout autant que l’intrusion physique.

Par l’omniprésence du numérique, deux ouvrages très plaisants promettent à l’homme des lendemains exaltants pour l’un, sombres pour l’autre. Ils susciteront en cela la réflexion du lecteur:
Michel Serres, Petite Poucette, Le Pommier, 2012.
Jean-Michel Besnier, L’homme simplifié. Le syndrome de la touche étoile, Paris, Fayard, 2012.

Plus généralement, comme déjà dit les créations des technosciences ne sont pas un simple sillage de l’histoire, elles contribuent à en fixer le cap. Les chercheurs ne peuvent dès lors pas se défausser leur responsabilité sociale. La lecture d’Hannah Arendt interrogera en ce sens tant le citoyen que le chercheur :
Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, coll. Pocket Agora, Paris, 1983.
Edition 1994 avec preface de Paul Ricoeur.

Les trois questions

 

  • Qu'entend-on par éthique pour le chercheur en sciences et technologies du numérique, en quoi les questions diffèrent-elles ou ressemblent-elles à celles d'autres disciplines?

L’éthique donne des règles de conduite pour une bonne vie en société. Pour le scientifique, il est bien plus difficile de prévoir les conséquences de ses recherches que pour le citoyen les conséquences de sa conduite. De ce fait pour le chercheur la démarche éthique relève davantage d’un devoir de vigilance éclairée et d’interpellation collective que de l’application de « règles morales ». Ceci est tout particulièrement vrai pour le numérique dont les technologies trouvent vite des applications parfois inattendues et qui ont vite un fort impact sur la société. De plus, les recherches et technologies du numérique sont pour beaucoup des démarches de création plutôt que de découverte, et l’on est davantage responsable socialement de ce que l’on crée que de ce que l’on découvre.

  • Les questions éthiques sont-elles une contrainte ou une source d'enrichissement dans un projet, avec quel but les aborder?

D’abord, les questions éthiques sont incontournables. Ainsi au niveau européen le réputé appel à projets individuels de l'European Research Council (ERC) compte 105 occurrences de “ethic(s)”, et les candidats doivent remplir un questionnaire éthique de 26 items, dont une douzaine est susceptible de concerner le numérique ; et de plus en plus d’institutions demandent une certification de conformité éthique des projets attestée par un Institutional Review Board (IRB). Evoquée ainsi, l’éthique peut apparaitre comme une contrainte au chercheur, et son cadre un carcan. En réalité, si les préoccupations éthiques s’institutionnalisent, c’est qu’elles font partie intégrante d’un développement durable du monde technoscientifique. Et l’expérience commence à montrer que la préoccupation éthique peut enrichir un projet, tant aux yeux des chercheurs et des industriels que des humanistes. De l’expertise au récit commun. Une traversée éthique d’un projet technologique, dont on trouvera une présentation sur ce site, l’illustre. cliquer ici

 

  • Comment faire, Comment trouver de l'aide?

Le chercheur ne doit se sentir ni seul, ni démuni. Il est un premier maillon d’une longue chaine de responsabilités sociales, et doit avoir la possibilité de parler et d’échanger des aspects éthiques comme il le fait de ses recherches. Pour cela, il peut solliciter la CERNA ou d’autres pour des séminaires, dans son laboratoire, son école doctorale, son établissement, son entreprise, et aussi chercher des repères et des contacts, notamment par ce site. Le principe est d’avoir des contacts pour maintenir une veille éthique chemin faisant.